Nous partons visiter une ferme perlière où on nous explique le processus de fabrication. Les “Perles de Culture de Tahiti”, plus connues sous le nom de “Perles Noires” sont originaires des lagons de Polynésie Française. Cette appellation est exclusivement réservée aux perles provenant d’une greffe de l’huître perlière Pinctada Margaritifera.

A l’époque, il fallait ouvrir plus de 15 000 huîtres perlières pour avoir la chance de trouver une perle fine. Nous avons trouvé les explications suivantes chez le bijoutier.

L’élaboration des perles

L’opération de greffe

L’huître perlière est constituée d’un manteau (autour en noir), c’est lui qui permet la production de nacre, d’une gonade et du muscle (au milieu en blanc), une partie que l’on mange.

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La greffe perlière consiste à introduire un nucléus et un greffon à l’intérieur de la gonade (glande sexuelle) d’une huître. Le nucléus est une bille de nacre fabriquée à partir d’une coquille de moule d’eau douce provenant du Mississipi. Le greffon est un morceau de manteau interne d’une huître saine.

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Déroulement de l’opération

– La préparation

Les huîtres arrivées à maturité (2 à 3 ans d’âge et minimum 12 centimètres) sont sorties de la station d’élevage, détachées de leurs chapelets et stockées sur des barges, près du local de greffe à proximité de l’élevage ou sur le littoral. A noter que les fermes sur pilotis permettent d’optimiser le déplacement des huîtres.

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Une maison de greffe déposée sur le rivage ou trop près de celui-ci peut nuire à la qualité des huîtres. En effet, l’eau est souvent plus chaude et stagnante. Ils les placent à environ 10 mètres de profondeur.

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Juste avant la greffe, les huîtres sont nettoyées pour être débarrassées des parasites qui entourent la coquille. Un technicien ou le greffeur se charge d’entrouvrir l’huître à l’aide d’un écarteur et y dépose une cale afin qu’il puisse intervenir rapidement. Cet écartement ne doit pas dépasser 1,5 cm au risque de déchirer le muscle adducteur.

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– L’intervention

Le greffeur sélectionne à partir d’un échantillon d’huîtres saines, celle dont il découpera les cellules épithéliales du manteau qui viendront produire la nacre des perles.

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Ils peuvent éliminer jusqu’à 100 huîtres avant de trouver la bonne. De petits segments, appelés greffons sont découpés en vue d’être placés dans les huîtres porteuses.

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Deuxième étape, en fonction de la taille du spécimen, le greffeur choisit la taille du nucléus autour duquel il viendra coller le greffon.

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Le greffeur commence par sectionner la gonade (organe sexuel de l’huître) pour créer une cavité qui accueille le nucléus et le greffon placé face interne contre pour qu’il y ait sécrétion. L’huître est refermée et déposée dans un bac, charnière vers le haut pour éviter que le nucléus glisse sous l’effet de son poids vers l’incision et se déloge. L’opération dure 1 minute : les huîtres greffées sont disposées dans des pochettes individuelles de rétention afin de relever les éventuels rejets (le nucléus se retrouve prisonnier dans le sac s’il est expulsé de la nacre).

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On peut aller jusqu’à 4 greffes au total sur une même huître en augmentant petit à petit la taille du nucléus.

Le matériel de greffe

– Le nucléus

Différentes tailles de nucléus sont proposées en fonction de la grosseur de l’huître.

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Le nucléus étant le support sur lequel viendront se fixer les couches de nacre, la structure et la surface de celui-ci, semblable à la couche nacrière, doit être la plus lisse possible si l’on veut augmenter les chances de produire une perle ronde.

En effet, les plaquettes de carbonate de calcium qui constituent le couche nacrière de la perle sont de taille microscopique. Elles vont donc épouser toutes les imperfections de la surface du nucléus. Accroître la qualité des nucléi, c’est aussi accroître la qualité des perles. C’est pourquoi depuis les recherches entreprises en 1990, une attention particulière est entretenue par le marché mondial de la Perliculture au polissage des nucléi.

Le savoir-faire des greffeurs

Les premières perles (semi-sphériques) issues d’une greffe trouvent leur origine dans la Chine du XIII ème siècle. Cependant, l’invention veritable du procédé de greffe et de culture revient à 2 Japonais : M. Mise et M. Nishikawwa qui en 1905 produisent les premières perles de cultures rondes. Mais c’est qu’en 1916 qu’un autre Japonais M. Mikimoto obtint le premier brevet d’inventeur et producteur de la perle du Japon blanche dite Akoya. Cette technicité préservée va faire des japonais les uniques greffeurs jusqu’aux années 1980. Encore aujourd’hui, ce sont parmi eux que les taux de rétention moyen du nucléus (au contrôle après 45 jours) sont les plus élevés autour de 65% et parfois plus de 90% par campagne pour les meilleurs.

Le développement du secteur en Polynésie à partir des années 80-90 a très vite crée une pénurie de greffeurs qualifiés. Les salaires moyens ont considérablement augmenté, au point d’atteindre couramment 7000€/mois. La plupart des exploitations ne pouvant assumer de tels frais de fonctionnement, l’ensemble des acteurs de la Perliculture se regroupent au sein de sociétés ou d’associations pour essayer de diversifier le recrutement.

Deux solutions ont été adoptées : l’emploi des greffeurs Chinois, dont le niveau de vie moindre permet de réaliser des économies sur les salaires, tout en bénéficiant d’un rendement de greffes plus élevé. Pour répondre à la demande des producteurs de perles, certains Groupements d’Intérêt Economique dont le Tahiti Pearl Producers a recruté en juillet 1998, 12 greffeurs d’origine chinoise. Le président du GIE, M. Franck Tehaamatai explique qu’il s’agit de contrats d’une durée de 1 an, renouvelable, passés avec une compagnie gouvernementale. Le GIE sous la contribution de ses membres prend en charge leur voyage, leur couverture sociale, leur hébergement et la nourriture. Avec une expérience professionnelle de 4 à 8 ans, les greffeurs doivent néanmoins suivre une formation d’un mois pour s’adapter à la différence de taille par rapport à l’Akoya plus petite. Rémunérés 3 fois moins que les greffeurs locaux et 10 fois moins que les greffeurs japonais, ils représentent une main d’oeuvre bon marché.

L’autre alternative est proposée par les services territoriaux (Service de la Mer et de l’Aquaculture), un partenariat avec le ministère de la mer qui ont crée une école (Centre des Métiers de la Nacre et de la Perliculture) à Rangiroa en 1991. Cette école a pour but d’enseigner les techniques et les connaissances liées à la nacre et à la perle. Elle s’adresse surtout aux jeunes Polynésiens désireux de s’investir dans une activité délicate qui requière de bonnes connaissances et une expérience certaine. Les 2 années 1997 et 1998, ont vu la consécration du premier greffeur paumotu M. Petero Tupana. Celui-ci travaille pour son compte : son taux de rétention atteint entre 70 et 80 % de perles rondes.

La récolte

– La formation des perles

Il s’agit d’un long processus depuis la formation des couches de nacre à partir de l’épithélium nacrier du greffon autour du nucléus, jusqu’à la récolte des perles. Une partie du greffon disparaît peu à peu, résorbée par la nacre greffée. Par contre, l’épithélium nacrier du greffon se développe et entoure progressivement le nucléus. Il constituera le sac perlier et commence à sécréter un matériau noir organique, la conchyoline. Cette couche servira d’ancrage aux couches de nacre qui vont suivre jusqu’à la récolte. Si la couche de nacre s’est répartie de façon homogène pendant les 18 mois suivant la greffe, il y a formation d’une perle à peu près ronde, avec une couche de nacre supérieure à 1mm d’épaisseur sur toute la périphérie. C’est à dire qu’une greffe réalisée avec un nucléus d’environ 7,5 mm de diamètre doit donner au minimum une perle de 9,3 mm de diamètre.

– Les produits perliers obtenus

La richesse d’une perle s’obtient après de longs mois d’attente et d’investissement pour le perliculteur, qui obtient des joyaux naturels, tous uniques, variant selon la taille, la forme et la couleur. Lors de la commercialisation, ces caractéristiques font l’objet d’une classification.

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Lorsque les perles ne sont pas parfaitement rondes, on obtient des perles moins régulières, cerclées, ou baroques (c’est à dire sans axe de symétrie).

Afin de mieux évaluer la valeur d’une perle, basée sur une classification officielle, voici les 4 critères principaux à prendre en compte :

La forme
Ronde : rare et recherchée, c’est une sphère parfaite à l’oeil nu
Semi-ronde : sphère légèrement déformée
Semi-baroque : comprend les boutons, les ovales et les poires
Baroque : forme irrégulière (hors catégorie)
Cerclée : cercles distincts sur plus d’un tiers de la surface

La qualité
Elle dépend de la régularité de sa surface et de son lustre, capacité à réfléchir la lumière (effet de miroir)
Categorie A : très beau lustre avec moins de 10 % d’imperfections sur la surface
Catégorie B : lustre beau ou moyen avec moins d’⅓ d’imperfections sur la surface
Catégorie C : lustre moyen avec moins de ⅔ d’imperfections sur la surface
Catégorie D : perle sans lustre avec plus de ⅔ d’imperfections sur la surface

La taille
Elle est mesurée selon le diamètre. Habituellement comprise entre 8 et 12 mm, seules quelques perles atteignent la taille exceptionnelle de 18 mm, voire 20 mm.

La couleur
La perle de Tahiti possède de multiples variantes de couleur : verte, bleue, dorée, argentée, violette… Les plus recherchées sont aubergines, arc-en-ciel ou encore vertes.

Lorsque le nucléus a été rejeté, le greffon peut produire sa propre concrétion perlière pour former un “keshi” sorte de résidu baroque, creux, inégalement pourvu de couches nacrières obtenues à partir du greffon.

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Le mabe ou demi-perle de culture est le produit brut élaboré à la suite d’une sécrétion nacrière autour d’un demi noyau synthétique collé à la surface interne de la coquille sous le manteau de l’huître, et d’un processus de fabrication qui consiste à découper le mabe, extraire le demi noyau, remplir la cavité avec de la résine et occultation de cette concavité par un morceau de nacre polie. Les dépôts nacriers ont un agencement lamellaire identique à ceux de la coquille d’huître. La récolte effectuée, l’huître devient inutilisable. C’est pourquoi cette opération intervient sur des huîtres qui ne feront plus l’objet d’une greffe.

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Les perles ayant beaucoup de défauts sont sculptées selon l’art Polynésien.

Au bout de 9 ans de service, les huîtres sont mangées ou bien la nacre est utilisée pour être sculptée, vendue pour l’horlogerie de luxe ou bien pour fabriquer des boutons.

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4 Commentaires sur "Les perles de Tahiti !"

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Christine et jean noel
Invité

Bravo pour cet article passionnant sur les perles
Chapeau les baroudeurs
Biz

Toad
Invité

On en apprend des choses avec vous. Très instructif. Ah ces asiatiques toujours présents. Merci de nous avoir donné toutes ces explications. Gros bisous à mes pigeons voyageurs.

Germaine
Invité

Vraiment chapeau pour ces explications sur l’élaboration des perles et bravo à la redactrice
Bisous

Pépé
Invité

eh,bien vous devenez des artistes, en tout genres le récit sur l’élevage de perles noires, chapeau
c’est long ,mais instructif, félicitations pour ce beau travail d’écriture.
gros bisous à tous les deux Ginette & Pépé